Pour toutes les femmes et les filles, droit, égalité et autonomisation - Intervention à la JIDF2025, au Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts (Bénin)
- Nathalie Daouda
- 14 mars
- 6 min de lecture

Bien que chaque mot soit important dans ce thème, je vais m’attarder sur le mot autonomisation pour ma réflexion, tant le sujet est complexe.
La notion d’autonomie est concrète et suggère un état ou statut d’indépendance des personnes physiques ou morales, des communautés et même des nations. Qui dit indépendance dit donc, ne dépendre de personne. Et autonomisation c’est le processus qui mène à cet état d’indépendance. Mais de quelle indépendance est-il question pour les femmes et les filles ? De quoi cette autonomie est-elle faite ? De quelle manière est-elle un élément fondamental manquant à la cohésion de nos sociétés et au plein épanouissement sociétal, économique voire, spirituel de celles-ci ?
Je suis Nathalie Daouda, experte en stratégies de développements et auteure du Capitalisme Responsable qui justement, aborde ces problématiques.
L’autonomie, aurait 5 formes, physique, psychologique, économique, sociale et juridique.
Un nourrisson dépend entièrement de ses parents ou gardiens, pour ses besoins élémentaires. Sa 1ère expérience d’autonomisation sera physique… avec l’apprentissage de la mobilité. Je dis autonomisation, car le processus est graduel.
Si ce développement physique et physiologique est tout à fait naturel et souhaitable pour l’enfant et sa famille, il présente des contraintes en matière notamment de sécurité de l’enfant et…de confort pour ses gardiens. Eh oui !!! Tout à la joie de pouvoir se déplacer seul-e-s et explorer le monde, nos tous petits ignorent encore tout de ses dangers et de la charge mentale, physique et économique que cette autonomie représente pour les personnes responsables de lui ou elle.
L’attitude de l’entourage immédiat et quotidien de cet enfant va façonner sa psychologie, mais toujours en fonction de sa nature profonde ! Je parle ici de stimulation et de conditionnement à l’obéissance et à la soumission ou au contraire, à l’exploration et à la liberté. Mais ce peut-être aussi un savant mélange de tout cela !
Quoiqu’il en soit, l’éducation, le système de valeurs et les modèles auxquels l’enfant est exposé, vont stimuler ou décourager ses velléités d’indépendance et installer en lui où elle, des filtres cognitifs plus ou moins puissants.
Avec l’âge, des éléments de conditionnement économiques vont s’ajouter à la palette des facteurs environnementaux, et vont façonner la posture de la jeune personne. Il s’agit des contraintes ou facilités économiques auxquelles aura été exposé l’enfant en grandissant. Le rapport de ses gardiens à l’argent et aux éléments de consommation, va construire une personne plus ou moins agile dans son rapport aux choses matérielles et à la société de consommation, ainsi qu’aux modes et tendances sociales.
L’enfant devenant adulte, aura un rapport au matériel et à l’argent, selon le modèle dominant auquel il ou elle aura été exposé-e par ses gardiens, combiné à sa propre personnalité. Le penseur berbère Abderrahmane Ibn Muhammad Ibn Khaldoun (1332 -1405) a écrit en ce sens que : « Les temps difficiles créent des hommes forts. Les hommes forts créent les périodes de paix. Les périodes de paix créent les hommes faibles. Les hommes faibles créent les temps difficiles. ».
Je nous laisse méditer sur cela.
De manière générale, tout au long de la vie et depuis la plus tendre enfance, nous bénéficions de droits fondamentaux universels que sont, le droit à la vie et le droit à la sécurité. Cette sécurité concerne à minima notre intégrité physique et le libre accès aux ressources endogènes pour se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer et se soigner. La liberté spirituelle est également un droit fondamental structurant pour les personnes. Je ne sais pas si tout cela relève de la justice au sens occidental du termes, avec des lois et des décrets. Ces droits sont intrinsèques à l’humanité, et toute atteinte à eux est une atteinte directe à la vie elle-même.
Lorsqu’il s’agit des enfants, l’ensemble de ces droits essentiels est confié par nature, à leurs gardiens en tant que responsables et protecteurs. Si ces gardiens sont défaillants, ou fragilisés pour garantir ces conditions de bases, la responsabilité remonte aux gardiens de la communauté, puis aux gardiens de la nation etc…
Comment donc nous assurer que nous gardiens, quelle que soit notre position dans la chaîne socio-économique nationale, nous soyons des responsables et des protecteurs des droits essentiels des personnes dont nous avons la charge ? Comment nous assurer que nous sommes pour elles, des guides et des éducateurs pour les mener vers la jouissance pleine et responsable de leurs droits fondamentaux. Et plus tard, que ces dernières sachent incarner et transmettre ces valeurs aux générations futures ?
Dans un premier temps il me semble que nous devons savoir qui nous sommes, et comprendre notre mission. « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux », disait Socrate.
Moi, je suis Houédotin, de la collectivité Minhounou, fille et petite-fille de Adikpeto, Adjounou vovo ! Je suis l’épouse et la belle-fille de Daouda de la collectivité Taousset, Poulla ! Et je suis la mère de Mougnal. Tout cela représente d’énormes responsabilités qui m’obligent à être respectueuse de mes ancêtres, digne, résiliante, exemplaire et performante en toutes circonstances, chaque jour, inlassablement. Et vous, qui êtes-vous ? Qu’est-ce que cela implique dans votre vie quotidienne en termes de responsabilités physique, psychologique, économique et sociale ? Êtes-vous à la hauteur de votre charge ? En comprenez-vous les implications, les subtilités, les interdépendances ?
Une personne ancrée dans sa vie, dans sa communauté, dans sa spiritualité, se dressera telle un arbre aux racines profondes et aux branches déployées, feuillues, verdoyantes, chargées de fruits généreux, nourriciers, et qui diffusent une ombre protectrice vers le sol.
Un tel parent homme ou femme, veillera à ce que ses enfants filles ou garçon, soient éduqué-e-s dans la connaissance, dans des valeurs aussi profondes que les racines du baobab, et dans le savoir-être permettant la préservation de la complémentarité nécessaire à l’harmonie entre les personnes et la nature au sein de la communauté.
En communauté, les notions d’indépendance et d’autonomie deviennent délicates à définir, tant nous avons besoins les uns des autres, du fait même de notre fragilité d’êtres vivants. Pour les enfants cela semble évident mais pour les adultes, tout dans la société globalisée nous pousse à croire que nous n’avons besoin de personne pour nous réaliser. Il suffit d’avoir de l’argent !
Or l’argent achète des objets et des services dont nous avons besoin pour notre vie au quotidien. Mais, avoir de l’argent ne nous rend pas autonome ; cela nous permet simplement d’obtenir des conditions selon notre capacité financière. Nous dépendons toujours de tiers pour obtenir ces produits et services.
Nous obtenons cet argent parce que nous l’échangeons contre notre énergie, notre temps, et nos capacités. Cela ne nous rend toujours pas autonome. Si nous ne pouvons pas faire cet échange et particulièrement si c’est le résultat d’une coercition quelconque, alors nous entrons dans le cadre de la privation de notre droit fondamental à la sécurité selon les critères émis précédemment.
Si cette situation est auto induite, il incombe à chacun-e de prendre ses responsabilités. Si l’empêchement est externe, dans ce cas, ce sont d’abord les gardiens que l’on doit interpeler pour leur défaillance. Et là, il faut agir sans ménager aucune force afin de rétablir les conditions de sécurité essentielles des personnes. Toutes les situations de privations de ces droits du fait de pressions physique, psychologiques, économiques, sociales ou juridiques, sont à combattre avec toute l’énergie disponible.
Finalement, j’en suis arrivée à la conclusion que 5 dysfonctionnements majeurs dans les comportements des gardiens, ont amené à la nécessité de cette Journée Internationale des Droits de la Femme et de tous les combats contre les inégalités en général :
L’absence chronique de bravoure et l’irresponsabilité sur des éléments simples du quotidien, ont contribué à fabriquer un nombre critique de personnes faibles physiquement, psychologiquement, économiquement et socialement
L’ignorance chronique de soi, de son environnement, et du monde en général à fabriquer un nombre critique de personnes étroites d’esprit, endoctrinées et superstitieuses, abusives physiquement et psychologiquement (Je vous invite à lire Machiavel et ses principes sur la manipulation des masses)
La paresse chronique s’est installée dans les mœurs à force de diffusion d’icônes sociales non productives, la promotion des plaisirs et des gratifications immédiates comme mode de vie moderne
La vulgarisation de la brutalité comme mode d’expression de la masculinité / virilité, qu’elle soit verbale, physique ou sexuelle (Hyperviolence, Hommes ou femmes Alpha)
L’opposition systématique et contre nature des hommes et des femmes dans une pseudo guerre de suprématie d’un genre sur l’autre, alors même que la perpétuation de tout ce qui est vivant, dépend d’une complémentarité féconde entre les principes masculins et féminins.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute pour moi que demain sera meilleur pour toutes les femmes et les filles, les hommes et les garçons. Dès lors que nous reviendront à nos sens et que nous nous accorderons sur la protection collective de nos droits essentiels fondamentaux, en toute conscience et en toute responsabilité, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes (Candide de Voltaire). Les droits redeviendront alors des fondements, l’égalité redeviendra la complémentarité et l’autonomisation redeviendra l’éducation de base.
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